Le Président d’extrême-droite brésilien fait face, 2 ans après son élection, à un niveau de contestation jusque-là inédit. Sa gestion de la pandémie est critiquée par sa propre administration, la situation économique se détériore et les relations avec l’armée brésilienne sont au plus mal. La situation ne devrait par s’arranger pour Bolsonaro, qui a sous-estimé la venue d’un nouveau variant, encore plus mortel.
Les conséquences politiques des crises sanitaires et économiques que subit le monde depuis plus d’un an et demi seront nombreuses. La Chine a perdu du prestige et les perceptions envers elle de la part de l’opinion publique se sont fortement dégradées. Données non négligeables pour un État qui veut être la première puissance mondiale d’ici 2049. Aux États-Unis, la mauvaise gestion de la crise de Donald Trump a été un élément clé de sa défaite à l’élection présidentielle. En Europe, Boris Johnson a dû admettre l’ampleur de la crise du Covid-19 après avoir passé plusieurs jours sous assistance respiratoire. Angela Merkel, elle, s’est excusée après avoir jugé que certaines de ses décisions étaient imparfaites. La pandémie bouscule les chefs d’État et fait dériver la trajectoire de leur politique économique. On ignore encore si l’enjeu des prochaines échéances électorales à travers le monde sera celui de la liberté ou de la sécurité. Mais si les chefs d’État du monde ont du s’adapter aux crises successives, il n’y en a un qui ne croit pas à la pertinence d’une lutte contre le Covid-19 : il s’agit de Jair Bolsonaro.
Un comportement dangereux qui laisse profiler un inquiétant variant
Le Brésil figure parmi les États les plus impactés par la crise sanitaire. Un nombre de décès pour 100 000 habitants très élevé (171 décès au 12 avril, contre 147 en France et 97 en Allemagne), qui se traduit par le plus grand nombre de nouveaux décès quotidiens devant tous les autres pays du monde. L’attitude de Jair Bolsonaro facilite l’apparition de tels chiffres. En effet, aucune décision de restriction des déplacements n’a été prise, “un génocide” pour Lula, l’ancien président Brésilien. Comportement d’autant plus dangereux qu’un nouveau variant est apparu (“P1”), et menace de s’étendre sur la totalité de la planète Terre. Cette menace peut exister d’autant plus si aucune fermeture de frontières n’est envisagée dans les prochaines heures. Une épidémie supplémentaire dans l’actuelle épidémie démarrerait, alors que les caractéristiques de ce variant sont inquiétantes. Il serait en effet plus transmissible, plus mortel, avec des symptômes plus intenses.. et la capacité de réinfecter des anciens cas positifs, résistant face aux vaccins.
56% des citoyens brésiliens voient en Bolsonaro “un leader incapable”
La passivité de Bolsonaro est de plus en critiquée, en attestent les sondages de l’institut Datafolha. Ils font état d’un taux d’approbation du gouvernement brésilien de seulement 30%. Pis encore, 56% des Brésiliens voient en Bolsonaro “un leader incapable”. Ce même leader a par ailleurs provoqué une nouvelle crise, et pas des moindres, avec l’institution de l’Armée du Brésil. Bolsonaro a en effet renvoyé le mois dernier son ministre de la Défense, Fernando Azevedo e Silva. Ce dernier a été rejoint le lendemain par les trois cadres de l’état-major : les chefs de l’Armée de l’Air, de la Mer et de la Terre du Brésil. On ignore quelles sont les raisons qui ont poussé à ce divorce inédit, dans un État dont l’Histoire des relations entre le pouvoir exécutif et l’armée est tempêtueuse, et dans un contexte de crises sanitaires et économiques gravissimes.
Une situation critique pour Bolsonaro, pas la première
Cette situation est très critique pour le Président Bolsonaro, ce n’est toutefois pas la première. Il y a deux ans, en août 2019, il fût au centre de toutes les critiques mondiales (d’abord européennes) à propos de sa gestion des feux d’incendies de la forêt Amazonienne. Assumant son climato-scepticisme, il dénonçait en outre la “mentalité colonialiste” du Président français, Emmanuel Macron. Le “Trump des tropiques” [NDLR : Surnom donné par les médias américains à J. Bolsonaro pour la proximité idéologique des deux leaders populistes] n’a en effet jamais cru en la science. Il maintient cette pensée lors de cette crise sanitaire, ne croyant respectivement pas à l’utilité des masques puis du vaccin (il déclarait il y a quelques semaines que la population se vaccinant “pourrait se transformer en crocodiles”).
Sa gestion calamiteuse de la crise du Covid-19 poussera-t-elle Bolsonaro vers la sortie ? La prochaine élection présidentielle se tiendra en 2022, soit une éternité dans notre monde actuel. Les populistes savent en effet capter la foule, bousculer les prédictions et prendre de court chacun d’entre nous. L’élection de Donald Trump en 2016 et la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne en sont deux illustrations. Les crises sanitaires et économiques actuelles peuvent-elles contribuer à l’éviction des dirigeants populistes au pouvoir ? C’est une possibilité, qui peut être effective au Brésil si Jair Bolsonaro maintient son attitude actuelle. Si la situation est grandement critique pour le Président d’extrême-droite, elle est apocalyptique dans les hôpitaux du pays brésilien. On décompte un peu moins de 70 000 morts du Covid-19 dans le seul mois de mars 2021. Des mesures urgentes semblent nécessaires, mais elles ne seront pas prises par un Président qui n’a aucune confiance en la science. Une question subsiste : l’année prochaine, les Brésiliens auront-ils encore confiance en Jair Bolsonaro ?